Azadirachta indica est l’un des piliers de la pharmacopée indienne depuis plus de quatre millénaires. Il bénéficie d’une aura quasi sacrée dans son pays d’origine, où l’on tire profit de toutes ses parties, écorce, bois, fruits, graines, feuilles, pour le bénéfice des hommes, des animaux et des plantes. Les Indiens recherchent toujours la proximité du neem, qu’il s’agisse de prier, de se reposer ou de bâtir un édifice.
« Celui qui guérit de tous les maux », « qui donne la bonne santé », « pharmacien du village », « arbre de liberté » sont quelques-unes des dénominations dont est gratifié le neem, et qui proviennent sans doute des très diverses applications qu’il offre à ceux qui se donnent la peine de le connaître.
Connues de manière empirique depuis des siècles, les propriétés du neem ont commencé à être confirmées scientifiquement dès 1942 par les travaux du chimiste pakistanais Salimuzzaman Siddiqui, qui le premier isola trois composés amers de l’huile de neem extraite des graines. La voie était ouverte, et des dizaines d’autres composés ont été isolés par la suite.
Ceux-ci ont attiré l’attention de certains acteurs économiques privés, notamment aux États-Unis. Leur volonté de « privatiser » le vivant ne date pas d’hier. Ainsi, pendant les années 1990, plusieurs dizaines de brevets relatifs à des composants du neem ont été déposés par des firmes comme Rohm and Haas et W.R. Grace, deux géants de la chimie. Cette dernière achetait depuis plusieurs années la quasi-totalité des graines de neem disponibles sur le marché mondial pour l’élaboration d’une matière active incorporée à des pesticides agricoles. Elle faisait grimper les cours et rendait l’huile de neem inaccessible aux petites gens, dont les petits producteurs, incapables de se payer des traitements phytosanitaires de synthèse pour leurs cultures.
Mais les répercussions touchent aussi l’Europe. En France, des producteurs bio dépendent de l’huile de neem pour lutter, par exemple, contre le puceron ou le ver de la cerise. C’est tout le modèle économique de certaines productions bio qui repose sur la possibilité de recourir à de telles préparations naturelles. En Allemagne et dans d’autres pays européens, ces préparations font l’objet d’une réglementation spécifique. Pas en France, où les autorités se préoccupent davantage de leur toxicité illusoire que de celle, pourtant densément documentée, des pesticides de synthèse.
En 2000, une coalition internationale rassemblant la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique, la ministre belge de l’Environnement Magda Aelvoet et la scientifique indienne Vandana Shiva, soutenue par une pétition réunissant 500 000 signatures de paysans indiens, dépose un recours devant le service des contentieux de l’Office européen des brevets à Munich pour réclamer l’annulation d’un brevet sur un composé antifongique extrait des graines de neem, qui avait été déposé en 1990 par le Département de l’agriculture des États-Unis et la multinationale W.R. Grace.
« Comment le gouvernement américain et la firme W.R. Grace peuvent-ils prétendre avoir inventé quelque chose qui est du domaine public depuis des siècles et étudié scientifiquement depuis plusieurs décennies ? », interrogeait Vandana Shiva. Deux jours d’audition avaient suffi à l’Office européen des brevets pour annuler le brevet qu’il avait accordé cinq ans auparavant, mais il a fallu encore cinq ans d’une coûteuse procédure pour faire confirmer cette annulation en appel en mars 2005 !
Une poudre antifongique et antibactérienne
Les Indiens ont l’habitude, lorsque le besoin s’en fait sentir, de consommer de la feuille fraîche, ce qui peut se révéler plus problématique en Occident. Heureusement, il est possible de se procurer aisément la forme séchée. Si c’est de la feuille seule, elle aura une couleur verte (et non blanche, ce qui indiquerait plutôt l’origine chimique du produit) ou alors brunâtre si elle est mélangée à de l’écorce ou des rameaux broyés.